Lis chaque fabliau et retrouve la bonne morale ...
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Seigneurs, un jour du temps jadis, il arriva qu'un vilain de Farbus devait aller au marché; sa femme lui avait donné cinq deniers et quelques mailles pour les employer ainsi que vous allez m'entendre le raconter: trois mailles pour un râteau, deux deniers pour un gâteau qu'elle voulait tout chaud et croustillant, et trois deniers pour ses dépenses. Elle mit cet argent dans sa bourse et, avant que de le laisser partir, elle lui fit le décompte de ses dépenses: un denier tout rond pour des petits pâtés et de la cervoise, compta-t-elle, et deux deniers pour le pain, ce serait suffisant pour son fils et lui. Alors le vilain sort par la porte du jardin et se met en route. Il emmène avec lui son fils Robin pour l'ini¬tier à la vie et aux coutumes du marché.
Au marché, devant une forge, un forgeron avait laissé traîner, comme s'il était à l'abandon, un fer encore chaud pour tromper les fourbes et les niais qui, souvent, s'y laissaient prendre. Le vilain, en l'apercevant, déclara tout de go à son fils qu'un fer était une bonne aubaine. Robin s'agenouilla près du fer et le mouilla en crachant dessus: le fer, qui était chaud, se mit à bouillir avec une grande effervescence. Quand Robin vit le fer aussi chaud, il se garda bien de le toucher et s'en alla en le laissant en place. Le vilain, qui était ignorant, lui demanda pourquoi il ne l'avait pas pris. “ Parce qu'il était encore tout brûlant, le fer que vous aviez trouvé! -Comment t'en es-tu rendu compte? -Parce que j'ai craché dessus et qu'il s'est mis immédiate¬ment à frire et à bouillir; or il n'y a sous le ciel aucun fer chaud qui, si on le mouille, ne se mette à bouillir: c'est ainsi qu'on peut le savoir. -Eh bien, tu m'as appris là une chose que j'apprécie beau¬coup, fit le vilain, car souvent je me suis brûlé la langue ou le doigt en attrapant quelque chose mais quand, doréna¬vant, le besoin s'en fera sentir, je m'y prendrai comme tu l'as fait. ” Ils arrivèrent alors devant un étal où l'on vendait du pain, du vin, de la cervoise, des petits pâtés et bien d'autres choses. Robin, qui était très gourmand, déclara aussitôt qu'il voulait en avoir. Ils firent le compte de leur argent et trouvèrent les cinq deniers et les mailles. Ils dépensèrent sans la moindre retenue trois deniers pour leur déjeuner après quoi il ne leur resta plus qu'à prendre le chemin du retour. Ils achetèrent un râteau pour trois mailles et un gâteau mal travaillé et plein de grumeaux pour deux deniers. Robin le mit dans son giron et le vilain porta le râteau. Ils sortirent par la porte de la ville et reprirent le chemin de leur maison. La femme du vilain, en ouvrant la porte du jardin, les accueillit avec un visage plus renfrogné qu'un plat à barbe ou une arbalète : “ Où est mon gâteau? dit-elle. -Le voilà, répondit le vilain, mais, si vous m'en croyiez, vous en feriez un morteruel sur-le-champ car je meurs de faim. ” Elle allume aussitôt un feu de brindilles et s'active. Robin nettoie la poêle. Ils se hâtent de tout préparer. Dès que la poêle se met à bouillir, le vilain en a l'eau à la bouche. Il demande qu'on lui mette son écuelle, celle qui est bien creuse et dans laquelle il a l'habitude de manger: “ Je ne veux pas en changer car j'en ai souvent été satisfait. ” Sa femme la lui remplit pleine à ras bord. Et il ne prend pas une cuiller plus petite que celle qu'on utilise pour tourner dans les pots et servir; il la remplit autant qu' il le peut de morteruel bouillant et crache dessus afin de ne pas se brû¬ler, ainsi que Robin l'avait fait sur le fer chaud. Mais le morteruel qui avait été porté à l'ébullition sur le feu de brindilles, ne frémit pas. Le vilain ouvre grand la bouche et y enfourne d'un coup la plus douloureuse gorgée dont il eut jamais l'occasion de se repaître car, avant même qu'il ait pu l'avaler, il eut la langue si brûlée, la gorge si embra¬sée et le tube digestif si échauffé qu'il ne put ni cracher ni avaler et qu'il se crut aux portes de la mort. Il devint écar¬late. . “ Certes, fait Robin, c'est surprenant de voir qu'à votre âge vous ne savez pas encore manger! -Ah! Robin, infâme traître, par ta faute je suis dans un tel état que je te souhaite tous les maux possibles! Car, mal¬heureux que je suis, je t'ai cru et j'en ai la langue complè¬tement brûlée et l'intérieur de la bouche à vif ! -C'est parce que vous n'avez pas correctement soufflé sur votre cuiller. Pourquoi n'avez vous pas soufflé suffisam¬ment avant de la porter à votre bouche? -Mais ce matin tu n'as pas soufflé sur le fer chaud que j'avais trouvé! -Non, je l'ai éprouvé avec plus de sagesse: j'ai craché dessus pour le mouiller. -J'ai fait la même chose sur ma cuiller et je me suis tout brûlé, fit le père. -Sire, répondit Robin, par le Saint Père, au moins jamais plus, à votre corps défendant, vous n'oublierez que le fer chaud n'est pas du morteruel !” Seigneurs, retenez cela: l'époque est maintenant telle que le fils donne des leçons au père et il n'est pas un jour où cela ne soit évident, ici et ailleurs, ainsi que je le pense, car les enfants sont plus fins et rusés que ne le sont les vieillards chenus. Le vilain de Farbus l'apprit à ses dépens.
Ainsi bien des gens à cause de leur nature excessive meurent dans le chagrin et la honte. Ici se termine mon conte.
Seigneurs, retenez cela: l'époque est maintenant telle que le fils donne des leçons au père et il n'est pas un jour où cela ne soit évident, ici et ailleurs, ainsi que je le pense, car les enfants sont plus fins et rusés que ne le sont les vieillards chenus. Notre héros l'apprit à ses dépens.
Par ce conte, j’ai voulu vous montrer que celui qui ne s’obstine pas dans son orgueil agit en homme sensé et sage et que nul ne doit aller contre la nature.
Cela nous enseigne qu'il ne faut pas dire à tout le monde ce qu'on pense car on s'attire bien des ennuis.
Ce fabliau retire de cette histoire que les voleurs ont la richesse; mais Dieu qui fut mis en croix leur envoie la misère, pour donner force aux pauvres gens.
Il y avait à Montpellier un paysan qui avait l’habitude de charger ses deux ânes de fumier pour le vendre comme fumure.
Un jour qu’il avait chargé ses ânes, sans tarder il entra dans la ville, conduisant ses animaux à grand peine, les excitant de ses cris et les aiguillonnant d’une fourche. Il fit tant qu’il entra dans la rue des Epiciers. Les apprentis y battaient les épices dans les mortiers, et quand il sentit leur odeur, notre ânier tomba raide évanoui tout comme s’il était mort : il n’aurait pu faire un pas de plus même pour cent marcs d’argent comptant. Aussitôt ce fut la désolation et la crainte! Des gens disaient : « Pitié, mon Dieu ! Voyez ce cadavre ici ! » Car ils redoutaient une épidémie. Les ânes pendant ce temps se tenaient là tranquilles avec leur chargement car cet animal ne bouge pas si on ne l’y contraint. Quand il y eut un bon attroupement, un petit futé qui avait tout vu, s’écria : « Messieurs, si quelqu’un le souhaite, je veux bien guérir cet homme, mais contre des espèces sonnantes ! - Guérissez-le vite, et vous aurez vingt sous de ma bourse, s’écria un bourgeois. - Bien volontiers, répondit notre homme. » Aussitôt il saisit la fourche avec laquelle le paysan excitait ses ânes, prit une fourchée de son fumier et la porta sous le nez de son propriétaire. Quand celui-ci huma la puanteur du fumier, il en perdit le parfum des herbes ; alors il ouvrit les yeux, se mit debout et se déclara guéri. Soulagé et heureux, il annonça que désormais il ne passerait plus jamais par là s’il trouvait un autre chemin.
Ainsi bien des gens à cause de leur nature excessive meurent dans le chagrin et la honte. Ici se termine mon conte.
Seigneurs, retenez cela: l'époque est maintenant telle que le fils donne des leçons au père et il n'est pas un jour où cela ne soit évident, ici et ailleurs, ainsi que je le pense, car les enfants sont plus fins et rusés que ne le sont les vieillards chenus. Notre héros l'apprit à ses dépens.
Par ce conte, j’ai voulu vous montrer qu'il n'a ni bon sens ni mesure celui qui prétend renier sa nature.
Cela nous enseigne qu'il ne faut pas dire à tout le monde ce qu'on pense car on s'attire bien des ennuis.
Ce fabliau retire de cette histoire que les voleurs ont la richesse; mais Dieu qui fut mis en croix leur envoie la misère, pour donner force aux pauvres gens.
L'envie me prend de vous raconter l'histoire d'un vilain riche et ignorant, qui courait les marchés d'Arras à Abbeville: je commence, si vous voulez bien m'écouter. [...] Le vilain s'appelait Brifaut. Il s'en allait donc un jour au marché. Il portait sur son dos dix aunes de fort bonne toile, qui lui frôlait les orteils par devant et traînait au sol par derrière. Un voleur le suivait, qui inventa une belle duperie. Il enfile une aiguille, soulève la toile de terre et la tient serrée tout contre sa poitrine; il la fixe sur le devant de sa chemise et se colle au vilain dans la foule. Brifaut est pressé de toutes parts et notre larron tant le pousse et le tire qu'il le jette par terre. La toile lui échappe. Le voleur l'attrape et se perd au milieu des autres vilains. Quant Brifaut se voit les mains vides, il est submergé de colère et se met à crier de tous ses poumons: « Mon Dieu! Ma toile, je l'ai perdue! Ma dame sainte Marie, à l'aide! Qui a ma toile? Qui l'a vue? » La toile sur le dos, le voleur s'arrête et, prenant l'autre pour un sot, vient se planter devant lui et dit: – De quoi te plains-tu, vilain? – Seigneur, je suis dans mon droit, car je viens d'apporter ici une pièce de toile, que j'ai perdue. – Si tu l'avais cousue à tes vêtements comme j'ai fait avec la mienne, tu ne l'aurais pas perdue en chemin. Et il s'en va sur ce, sans en dire plus. De la toile il fait ce qu'il veut, car chose perdue n'a plus de maître. Brifaut n'a plus qu'à rentrer chez lui. Sa femme l'interroge, s'informe des deniers. – Ma mie, fait-il, va au grenier chercher du blé et vends-le, si tu veux avoir de l'argent, car en vérité je n'en rapporte goutte. – Ah non, fait-elle, puisse une crise de goutte te terrasser sur l'heure! – C'est belle chose à me souhaiter, ma mie, pour me faire encore plus grande honte! – Mais, par la croix du Christ, qu'est devenue la pièce de toile? – Je l'ai perdue, fait-il, c'est vrai. – Et tu en as menti! Que la mort subite t'emporte! Filou de Brifaut, tu me l'as brifaudée! Tu en as le gosier et la panse encore bien chauds, ah bâfrer à pareil prix! Ah, je te déchirerais à belles dents! – Ma mie, que la mort m'emporte et que Dieu me foudroie, si je ne te dis pas la vérité! Aussitôt, la mort l'emporta et sa femme fut dans de plus mauvais draps encore, tant elle rageait et enrageait. Son mari décédé, la malheureuse lui survécut dans le chagrin le plus extrême.[...]
Ainsi bien des gens à cause de leur nature excessive meurent dans le chagrin et la honte. Ici se termine mon conte.
Seigneurs, retenez cela: l'époque est maintenant telle que le fils donne des leçons au père et il n'est pas un jour où cela ne soit évident, ici et ailleurs, ainsi que je le pense, car les enfants sont plus fins et rusés que ne le sont les vieillards chenus. Notre héros l'apprit à ses dépens.
Par ce conte, j’ai voulu vous montrer qu'il n'a ni bon sens ni mesure celui qui prétend renier sa nature.
Cela nous enseigne qu'il ne faut pas dire à tout le monde ce qu'on pense car on s'attire bien des ennuis.
Ce fabliau retire de cette histoire que les voleurs ont la richesse; mais Dieu qui fut mis en croix leur envoie la misère, pour donner force aux pauvres gens.